Bella Napoli

Découvrez Naples, sa région, ses habitants

user

« La San Felice » d'Alexandre Dumas

Un grand roman sur la République parthénopéenne

Naples, fin 1798 : les Bourbons, maîtres de la ville et de son royaume, célèbrent les récents revers de la France révolutionnaire face à son ennemi anglais. Difficile alors pour eux d’imaginer qu’ils devront bientôt fuir leur capitale, chassés par les Français et les patriotes napolitains qui vont y instaurer la République. La réaction ne se fera toutefois pas attendre : après seulement six mois et le départ des Français, la « République parthénopéenne » a déjà vécu, laissant la monarchie bourbonne reprendre possession de son trône et se venger avec une rare et inique violence.

livres-san-felice-1070.jpgC’est cet étonnant épisode historique, incise éphémère dans l’histoire du royaume de Naples, qu’Alexandre Dumas prend comme toile de fond de son dernier grand roman historique, la San Felice. Il en commence la rédaction en 1863, à l’âge de soixante-et-un ans, lors de son deuxième séjour à Naples rendu possible par la conquête garibaldienne de l’Italie du Sud (son premier et bref séjour, en 1835, a précédemment accouché du truculent « Corricolo »). Les premiers mots sont couchés sur papier le 24 juillet, jour de son anniversaire, comme un symbole de l’importance toute particulière de cette nouvelle œuvre.

Une oeuvre à part

A travers la San Felice, Dumas poursuit en effet plusieurs buts. Son temps semble passé, avec celui des romans publiés sous forme de feuilletons dans les journaux (ses œuvres les plus connues, des Trois Mousquetaires à la Reine Margot en passant par le Comte de Monte-Cristo, remontent au milieu des années 1840) : la San Felice doit lui permettre de reconquérir Paris, pour reprendre la place qui est la sienne. Le sujet du récit n’est toutefois pas un prétexte pour le romancier, lui-même républicain convaincu : autant que conteur Dumas se veut historien, pour éclairer Français et Italiens sur un épisode important mais méconnu de leur histoire commune.

general-dumas-1072.jpgMais plus encore, la San Felice est au fond une affaire personnelle, qui hante Dumas depuis plusieurs décennies : s’y entremêlent l’amour qu’il porte à Naples, découverte vingt-cinq ans plus tôt, et la détestation qu’il voue aux Bourbons, responsables à ses yeux de la mort de son père, général révolutionnaire qui passa dix-huit mois dans leurs prisons entre 1799 et 1800 (il mourra en 1806 d’un cancer de l’estomac, sans doute lié au traitement qu’on lui fit subir lors de son incarcération). La conclusion du roman en dit donc long : « Pendant près de dix-huit mois, j’ai laborieusement et consciencieusement élevé ce monument à la gloire du patriotisme napolitain, et à la honte de la tyrannie bourbonnienne. Impartial comme la justice, qu’il soit durable comme l’airain ! ».

Lire la San Felice

Ce statut singulier pour son auteur – chose rare, Dumas alla jusqu’à se relire – ne permit toutefois pas à la San Felice d'atteindre le succès tant désiré. Et le roman demeure encore aujourd'hui relativement méconnu. Faut-il donc le (re)lire ? L’œuvre est certes touffue (c’est le plus imposant roman de Dumas, avec ses six tomes lors de sa parution en librairie) et souffre parfois de quelques longueurs. Les éléments romanesques, autour du personnage historique mais recomposé de la San Felice, peuvent prêter à sourire dans leur pureté romantique. Connaître Naples et l'Italie du Sud est enfin une aide appréciable pour éviter de se perdre dans le dédale historico-géographique du roman.

alexandre-dumas-1071.jpgMais Dumas retrouve incontestablement ici la verve de ses meilleures oeuvres. Il parvient à intégrer au récit de nombreuses digressions et anecdotes qui, loin de perturber son propos, l’enrichissent en lui donnant une saveur toute particulière. Mêlée à une narration qui sait rester captivante, l’histoire de la République parthénopéenne se déroule sous les yeux du lecteur – si celui-ci sait faire la part de choses, comme toujours avec Dumas... A l’arrivée, le roman, malgré ses imperfections, atteint ainsi sa cible : nous rendre plus intelligents tout en nous divertissant.

Si vous êtes convaincus, sachez malheureusement qu’aucune édition de la San Felice n’est actuellement disponible. Vous pourrez toutefois vous procurer d’occasion la très belle et recommandable parution dans la collection Quarto de Gallimard, remontant à 1996. A défaut, l’œuvre existe en format électronique pour liseuse, par exemple aux éditions Arvensa pour une somme modique.

Réagissez

N'oubliez pas : toute publication suit les règles définies ici.
Pour enrichir le texte de votre message, vous pouvez utiliser des balises de type BBCode.

Vous devez être connecté pour publier un message.

Aucun commentaire sur cet article

haut