L'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun est profondément attaché à Naples, dont il a fait le décor de plusieurs de ses romans. Il écrit ainsi L'Auberge des Pauvres en 1997, après avoir découvert l'impressionnant édifice de l'Albergo dei Poveri à l'occasion d'une de ses visites de la ville.
Dans ce récit, l'immense palais à l'abandon est devenu un abri de fortune pour une population hétéroclite d'indigents de la ville moderne, retrouvant ainsi sa vocation première qui était d'accueillir les déshérités du royaume. En séjour à Naples dans le cadre d'un concours littéraire organisé par la ville, le narrateur - un universitaire marocain à la vie étriquée - rencontre de manière inattendue ses occupants et devient lui-même pensionnaire de l'Auberge, acceuilli maternellement par une vieille femme excessive en tout : à l'image de Naples, sa laideur est repoussante malgré sa beauté passée, sa générosité déborde dans un extrême dénuement, sa jeunesse passionnée a cédé la place à une vie par procuration.
L'intrigue du roman, presque secondaire, est l'occasion de dérouler, en incises, des récits divers et bigarés sur les habitants de l'Auberge, entre passion et tragédie, cruauté et générosité. Les histoires de ces étranges héros, comme autant de miroirs de Naples, renvoie le narrateur à son vécu personnel, lui faisant accepter ses propres turpitudes et redécouvrir la saveur de la vie, la passion et l'amour. A Naples, tout redevient possible, y compris lorsque l'on n'a plus rien.
Entre rêve et poésie, cet attachant roman témoigne de l'effet unique de Naples sur le voyageur qui voudra bien s'y attarder, pour se laisser entraîner sans résister par une incroyable vitalité cotoyant bien souvent la misère la plus profonde.
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