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Curzio Malaparte

Malaparte Malaparte - Lipari Villa Malaparte - Zoom

Un grand homme de lettres... toscan

Né sous le nom de Kurt Erich Suckert le 9 juin 1898 à Prato et mort le 19 juillet 1957 à Rome, Curzio Malaparte est une figure majeure de l'Italie littéraire de la première moitié du 20ème siècle. D'origine toscane, il revendiqua cet héritage au point d'inscrire sur son mausolée :

IO SON DI PRATO,
M'ACCONTENTO D'ESSER DI
PRATO, E SE NON FOSSI NATO
PRATESE, VORREI NON ESSER
VENUTO AL MONDO.

(« Je suis de Prato, je me contente d'être de Prato, et si je n'y étais pas né, je voudrais ne pas être venu au monde. »)

Pourquoi alors intégrer Malaparte dans le panorama des figures napolitaines ? Deux raisons nous y poussent : la première est l'attachement qu'il voua à Capri où il fit construire la célèbre villa qui porte depuis son nom ; la seconde est le grand livre qu'il écrivit en 1949 et qui se déroule à Naples à la fin de la seconde guerre mondiale : La Peau.

Engagement et Fascisme

Né à Prato d'un père allemand et d'une mère lombarde, le jeune Kurt Erich Suckert est rapidement éloigné par ses parents pour être élevé dans une famille paysanne pauvre de la région. En 1914, à l'âge de 16 ans, il interrompt ses études classiques pour s'engager aux côtés de l'armée française (il sera d'ailleurs tout au long de sa vie un grand ami de la France), débutant ainsi la longue série de ses engagements. Décoré notamment pour avoir participé et avoir été blessé en Champagne lors de la bataille du Chemin des Dames, il publie rapidement sa première œuvre (La révolte des Saints Maudits), mais qui sera saisie et censurée trois fois.

malaparte-lipari-967.jpgSa route croise bientôt celle du fascisme, auquel il adhère en 1922 et dont il devient l'un des théoriciens. Il contribue à l'administration de maisons d'édition, jusqu'à devenir en 1929 rédacteur en chef du grand journal de Turin La Stampa. Mais l'idéologie ne semble pas être son principal centre d'intérêt, au moins en termes de constance : entre individualisme et collectivisme, entre retour à la tradition et futurisme, il semble osciller et concilier les contraires ; ainsi, sans pour autant rompre avec le fascisme, il s'éloigne de Mussolini dont il condamne la dérive réactionnaire à partir de 1929, puis publie en France en 1931 la Technique du Coup d'Etat qui dénonce la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne.

Un ennemi du régime

Curzio Malaparte – il a changé de nom en 1925, expliquant que « Napoléon s'appelait Bonaparte et il a mal fini : je m'appelle Malaparte et je finirai bien. » – devient un ennemi pour le régime. Il est exilé en 1933 sur l'île de Lipari pour une durée de cinq ans, qui sera réduite à une vingtaine de mois grâce a l'intervention de son ami Galeazzo Ciano, opportunément gendre de Mussolini et ministre du régime fasciste.

villa-malaparte-zoom-945.jpgDe retour en 1935, Malaparte tombe sous le charme de Capri l'année suivante et y lance la construction de sa célèbre Villa, toujours grâce à l'aide du précieux – bien que fasciste – Galeazzo Ciano. Mais bientôt, l'entrée de l'Italie en guerre offre un nouveau terrain d'engagement pour Malaparte : il écrit Le Soleil est aveugle pour dénoncer l'agression italienne contre la France, puis livre depuis le front de l'Est des articles à La Stampa qui amènent les Allemands à l'arrêter et à l'assigner à résidence. En 1943, la rupture de Malaparte est alors complètement consommée avec le fascisme.

La libération de l'Italie et les grandes œuvres

Revenu en Italie en 1943, Malaparte est à Naples d'où commence la libération de l'Europe continentale. Il y publie la première de ses deux grandes œuvres qui prennent la forme de chroniques autobiographiques sur les horreurs de la guerre : c'est le fameux Kaputt, qui prend place en Europe de l'Est. La seconde est tirée des événements de la libération de l'Italie, depuis le débarquement allié à Salerne en septembre 1943 jusqu'à la mort de Mussolini en avril 1945, à laquelle Malaparte participe en tant qu'officier de liaison auprès de l'armée alliée : La Peau, immense livre, est publié en 1949.

Dans ces œuvres, les grands thèmes malapartiens se déploient dans toute leur dureté et leur force tragique : honte, dégoût, pitié, humiliation… Mais un humour féroce confère au propos un caractère baroque unique, qui évoque par certains aspects l'univers d'un Céline dont Malaparte est l'exact contemporain.

L'après-guerre et la mort... en attendant la postérité

L'après-guerre est l'occasion pour Malaparte de s'essayer à de nouvelles formes d'expression, sans renoncer à celle du journalisme : le théâtre tout d'abord, en France, avec lequel il subit plusieurs échecs entre 1947 et 1949 ; le cinéma ensuite, avec son film Il Cristo proibito (« le Christ interdit ») qui participe aux festival de Cannes 1951.

Atteint d'un cancer du poumon, il meurt en 1957, mais non sans livrer un dernier pied de nez à ses contemporains : sur son lit de mort, le protestant qu'il était se fait baptiser selon le rite catholique, et l'ancien fasciste obtient sa carte du parti communiste qu'il réclamait en vain depuis plusieurs années. Sa dépouille repose depuis 1961 sur les hauteurs de Prato.

La vie et l'œuvre de Malaparte en ont fait et en font toujours un personnage complexe et controversé : soldat et dandy, engagé mais peu idélologue, fasciste épris de liberté, journaliste affabulateur… Figure encore peu reconnue dans son propre pays, ses deux grandes œuvres que sont Kaputt et La Peau restent l'ineffaçable témoignage de son génie littéraire, qui le place parmi les plus grands auteurs du 20ème siècle.

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