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Le culte des âmes du purgatoire

Santa Maria delle Anime del Purgatorio - Crâne Santa Maria delle Anime del Purgatorio - Autel de Santa Lucia Santa Maria delle Anime del Purgatorio - Niches Cimetière des Fontanelle - Crânes Cimetière des Fontanelle - Donna Concetta Villa Bruna - Chapelle du Purgatoire

Naples est la ville où les contraires se mêlent. Cité du soleil et du monde souterrain, mâle autant que femelle, elle ne pouvait célébrer la vie comme elle le fait sans avoir dans le même mouvement une profonde attirance pour la mort. Et en tout logique, ni le Paradis, ni les Enfers n'ont la préférence du Napolitain, mais bien leur trait d'union : le Purgatoire, objet d'un culte unique au monde. Bien qu'interdit à partir de 1969, il continue d'être pratiqué plus ou moins clandestinement, en particulier hors du centre historique.

Les « anime pezzentelle »

Tirant peut-être ses origines de traditions païennes datant d'avant l'ère chrétienne, le culte des âmes du Purgatoire s'est fortement développé à Naples à partir du 17ème siècle, époque où la ville est frappée par de terribles fléaux - dont la grande peste de 1656 - qui déciment sa population. La place pour enterrer les morts manque : les dépouilles sont entassées, notamment hors de la ville intra-moenia (voir l'article sur le cimetière des Fontanelle). Sans sépulture consacrée, ces morts abandonnés et anonymes ne peuvent gagner le Paradis et se voient ainsi condamnés à demeurer au Purgatoire.

villa-bruna-chapelle-du-purgatoire-858.jpgLe peuple napolitain va développer un culte pour ces pauvres anime pezzentelle - que l'on pourrait traduire en « âmes qui quémandent » : pezzentelle est une forme diminutive de pezzente, généralement traduit en « pouilleux, mendiant » ; mais, dérivant du latin petere (signifiant « demander »), il prend ici le sens plus général de « qui quémande ».

Ainsi, les anime pezzentelle quémandent pour échapper au Purgatoire. Et les Napolitains répondent à cet appel par un culte unique au monde, appelé en italien indifféremment culto delle anime del Purgatorio ou culto delle anime pezzentelle.

Ce culte prend deux formes. La première et la moins frappante se caractérise par de petites chapelles, que l'on trouve en divers endroits y compris dans les habitations, où les âmes du Purgatoire sont symbolisées par de petits personnages entourés de flammes. L'autre, qui frappe l'imagination des visiteurs depuis plusieurs siècles, prend la forme quelque peu morbide d'un culte des crânes.

Un culte des crânes

La « masta » et son crâne

cimetiere-des-fontanelle-os-761.jpgL'adoration des crânes est la manifestation la plus suggestive du culte des âmes du Purgatoire. Pratiquée exclusivement par des femmes, chacune commençait par choisir avec soin et nettoyer l'un des innombrables crânes abandonnés dans l'une des sépultures collectives de Naples. L'âme attachée au crâne, demeurant au Purgatoire, devait alors donner en retour un signe à sa masta (sa « maîtresse »), en lui apparaissant en rêve.

Le pacte pouvait alors être scellé, sur des bases simples : la masta adoptait le crâne, le choyait, lui faisait des offrandes et surtout priait pour la paix de son âme ; le crâne, dont l'âme pouvait alors s'élever jusqu'au Paradis, payait sa dette en intercédant en faveur de sa maîtresse, lui prodiguant des conseils avisés et faisant réaliser bien entendu quelque miracle bien choisi - entre guérison, fertilité, ou prédiction du tirage du loto... Comme bien souvent, la religiosité si singulière des Napolitains ne manque pas de pragmatisme...

Le « refrisco »

Traditionnellement le lundi - jour de la célébration de la triade lunaire des divinités grecques Séléné, Artemis et Hécate symbolisant respectivement la naissance, la vie et la mort -, la masta descendait dans l'hypogée prier son crâne. Ces prières étaient surnommées 'o refrisco (« la fraîcheur ») car elle soulageait l'âme du défunt de la brûlure des flammes du Purgatoire.

cimetiere-des-fontanelle-donna-concetta-595.jpgEn retour, le crâne s'avérait plus ou moins efficace et prompt à répondre aux attentes de sa maîtresse. S'il la décevait, il pouvait impitoyablement être remplacé par l'un de ses concurrents, et dire alors adieu au Paradis... Mais s'il savait s'attirer les faveurs de sa masta, il en était récompensé : choyé et lustré, il pouvait être décoré de dentelles et placé dans une boîte appelée scarabattola, présentant parfois en ex-voto les remerciements de sa maîtresse.

Certains crânes étaient considérés comme miraculeux car ils donnaient l'apparence de suer : en effet, dans les souterrains humides, condensation et absence de dépôts de poussière pouvaient avoir des effets suggestifs sur les crânes lustrés. D'autres atteignaient même la célébrité, se voyant alors personnifiés à travers une figure légendaire, tels celui de Lucia à Santa Maria delle Anime del Purgatorio ad Arco ou ceux de Donna Concetta et du Capitaine au cimetière des Fontanelle.

Les principaux lieux de culte

Le culte des âmes du Purgatoire a laissé d'impressionnants témoignages, récemment remis en valeur au cimetière des Fontanelle et sous l'église de Santa Maria delle Anime del Purgatorio ad Arco. Les cryptes de Sant'Agostino alla Zecca ou de San Pietro ad Aram étaient également des lieux importants pour ce culte singulier.

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